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Le CHENE-VERT : un siècle de légende 1876-1970

L’histoire du Chêne-Vert commence dans une auberge sur la rive droite du Rhône aux Angles vers 1860… Dans le « Vieil Avignon », Henri Bouvet décrit cette guinguette du Chêne-Vert où la famille Abrieu tourna la broche de 1819 à 1906.

Elle jouit déjà d’une certaine renommée, petit Barbizon provençal, grâce à Mistral et à ses amis, félibres, peintres comme Antoine Grivolas, écrivains qui aiment s’y retrouver pour entretenir des liens amicaux et littéraires. Mistral raconte : « C’est chez les Abrieu que nous venions nous isoler, festoyer à toute occasion littéraire… ». Des souvenirs culinaires animent souvent leurs discussions.

Alphonse Daudet, Stéphane Mallarmé alors professeur d’anglais à Avignon, font partie du décor ainsi qu’un dénommé, Nicolas de Séménov, jusqu’alors inconnu en Provence.

Ce dernier, subjugué par le charme de cet endroit, décide d’y rester…

De 1867 à 1921, les Angles vont connaître l’ère des Séménov.


Les SEMENOV : 1867-1921

A Paris, en 1864, Frédéric Mistral assiste aux répétitions de Mireille … Au même moment, un aristocrate russe fait connaître « la Dame du monde », roman de moeurs italiennes.

Cette rencontre littéraire marque le début d’une grande aventure angloise.

« N. de Séménow est un seigneur russe, le plus gentilhomme, le plus français, le plus raffiné, le plus enthousiaste que je connaisse…C’est un écrivain exquis. Il est aussi féru de provençal et il aime Mistral comme un frère. » Th. Aubanel

Conquis par le site de l’auberge, il décide de s’y établir.

Il vient d’acheter une terre et une partie des admirables chênes-verts qu’il adore et cet hiver, on va lui bâtir une charmante maison très confortable avec des terrasses, des galeries, quelque chose de tout à fait italien…”Aubanel

En 1867, Antoine et Pierre Grivolas concevront et décoreront cette maison à l’italienne.

Un cercle littéraire s’y crée autour des félibres et de leurs amis de sensibilité très différente : Paul Arène, Alphonse Daudet, Stéphane Mallarmé, Maurice Barrès, Prosper Mérimée ( N. de Séménov eut le projet de mettre en musique Colomba…).

Et même Victor Ballaguer, proscrit catalan, qui deviendra député au Cortès, y participe :il tente d’associer la Renaissance catalane à la Renaissance provençale ( l’origine de la Coupo Santo, l’hymne du Félibrige.)

De nombreuses félibrées littéraires y sont données.

Th.Aubanel parle d’un banquet donné « dans une salle toute enguirlandée de verdure, de fleurs, d’inscriptions et de blasons provençaux. Anselme Mathieu lut des vers exquis .

Les proscrits espagnols étaient parmi les invités. Ils firent des discours magnifiques en un français épouvantable. 

Marie de Séménov, en robe de gaze, présidait la fête, plus rayonnante que le soleil avec ses admirables cheveux blonds ruisselant sur ses épaules et plus gracieuse qu’une fée. »

Elle inspire même à A.Daudet le personnage de Sonia de Wassilief dans « Tartarin sur les Alpes ».

Mistral lui dédie ces vers célèbres :

« O Countesso gento
Estello dou Nord
Que la neu argento
Qu’Amour friso en or
O fadeto saoro
Que lou regard beu
Comptrene que l’auro
Jogue eme ti peu ! « 

Le 31 octobre 1886, N. de Séménov meurt au Chêne-Vert, le même jour que Th. Aubanel. Un seul regret : il n’a pas écrit en provençal.

Dans un recueil posthume, Poésies du Chêne-Vert (1892), non publié, Mistral écrit en guise de préface : « …Au milieu de ces lierres qui le pleurent avec vous, et de ces romarins et des ces lauriers-tins, et des ces genêts d’Espagne qu’il avait plantés lui-même ; devant ce paysage florentin-provençal où l’œil embrasse, au loin, sous la tour d’or de Barbentane, le confluent de la Durance avec le Rhône, vous revoyez vivant votre poète aimé, allant, venant, causant avec ses amis les Félibres… La trace est là dans cette allée de « Chênes-Verts»… »

En 1870, cette maison devient un centre de soins pour les blessés (cf tableau de Pierre Grivolas).

Quand la maison est inoccupée ,elle ouverte aux amis des Séménov comme Paul Mariéton.

Dauphin de Mistral, il est souvent invité au «  Chêne-Vert »et c’est là qu’il trouvera un dernier refuge en 1910. Mistral écrit :

« Qui eut dit que P. Mariéton trouverait un jour pour asile de santé le Chêne-Vert, ce joli coin de Provence tout pénétré des charmes, des allégresses et des rêves des félibres de la première et de la seconde génération. »

En 1921, Marie de Séménov s’éteindra en Russie sans avoir revu sa propriété des Angles et après avoir eu de nombreux échanges épistolaires avec ses amis provençaux .

Le Chêne-Vert est aussi à associer au nom des Bonaparte-Wyse : une nièce des Séménov, Marie de Chripounov, épousera André Bonaparte-Wyse, fils de William Bonaparte-Wyse.

Qui est-il ?

William Bonaparte-Wyse : ( Waterford 1826- Cannes 1892 ), petit-fils de Lucien Bonaparte, cousin de Napoléon III, est très vite introduit dans le groupe des Félibres.

Le 24 décembre 1859, il rencontre Mistral à Maillane.

« C’était un jeune Irlandais qui allait de par le monde, étudiait les pays et les peuples divers et distrayait sa mélancolie en philosophe. Il avait beaucoup lu, erré, vu. » F.M.

Paul Mariéton raconte que c’est en entrant dans la librairie Roumanille qu’il trouva des livres écrits dans un idiome inconnu, qu’il les imita et devient un champion fervent de l’idée…

Dès mai 1867, il offre une « félibrée » « de trois jours où chacun put heurter comme il faut et franchement le verre sympathique dans l’enthousiasme des belles pensées… »

Trente poètes y assistèrent ainsi que les Catalans.

En 1875, il se lie d’amitié avec Nicolas de Séménov et compose son cantique de la Sainte- Estelle mis en musique par ce dernier. Avec l’écriture des « Parpaioun Blu » en 1868 et de «  Piado de la Princesso » en 1882, William Bonaparte-Wyse marquera sa place dans l’histoire de la littérature provençale.

Mistral dira qu’il a élargi l’envergure des ailes du Félibrige et qu’il l’ a emporté plus haut que les Alpilles natales.

Sa sœur, Marie de Solms, femme de lettres, vivant entre Aix-les-Bains, l’Italie et l’Espagne, responsable de plusieurs revues dont la Revue internationale contribua à cette ouverture et compta Mistral et Armand de Pontmartin parmi ses collaborateurs. Elle vint au Chêne-Vert en mars 1894…

L’après Chêne-Vert…

Le 29 octobre 1945, W.Bonaparte-Wyse, fils d’André, confie la propriété à la ville d’Avignon pour une durée de 25 ans pour être une annexe du Palais du Roure et y accueillir des hôtes marquants : poètes, artistes, savants, écrivains…

Le site est classé le 13 septembre 1950.

Grâce à Jeanne de Flandrésy, le Chêne-Vert deviendra un centre culturel méditerranéen.

Les résidents y vinrent du monde entier.

En 1970, la page est définitivement tournée :

« Le nid du Chêne-Vert, désormais vide de ses chanteurs et de sa joie entre dans la légende des séjours historiques illustrés par la grâce et la poésie ». Mistral


Yasmine Duriez

The Literary and Artistic Life of Les Angles
End of the 19th/start of the 20th century.

    “Les Félibres” (the celebrated group of poets and writers – Mistral, Aubanel etc) and other personalities who frequented the famous Villa du Chêne Vert (Green Oak)

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